Bonjour à tous,
Dans le cadre de ma thèse professionnelle, j’ai le privilège de recevoir Julien Coquet pour une interview relative à son domaine d’expertise et d’activité : le Business Analytics.Bonjour Julien Coquet, tu es expert de la mesure d’audience sur Internet depuis plus de 13 ans, consultant senior Web Analytics et responsable recherche et développement chez Hub’Sales, l’agence leader en France dans le conseil en Web Analytics et WebTV (http://www.hub-sales.fr). Tu es également responsable de la Web Analytics Association pour la France et tu animes la communauté francophone de la mesure d’audience Internet.
Q1 : Comment définis-tu le Web Analytics ?
Le Web Analytics est une notion que l’on est en train de dépasser parce que ce n’est plus ‘que’ du web : il y a du mobile et tout un ensemble de données business de l’entreprise qui sont mesurables et mesurées dans l’entreprise. On parle plutôt de Business Analytics qui permet de faire de la prise de décision grâce à une vue globale des données de l’entreprise. La partie online est donc une des composantes de cet ensemble, et sa part dans l’activité des entreprises grandit à toute vitesse!
Le Web Analytics, sous certains aspects, revient à faire ce qu’on sait faire dans le monde de la Business Intelligence depuis plus de 15 ans avec des solutions telles que Business Objects ou Informatica. En revanche, le Web Analytics apporte des technologies innovantes de visualisation de données, de clics, de datamining mieux adaptées pour une meilleure prise de décision.
C’est grâce à ce genre d’outils d’analyse que l’on voit mieux les interactions entre le offline et le online. Dans le monde des données offline, on mesure les différentes interactions entre le service achat et la logistique, la R&D, le marketing et les ventes. Grâce aux Business Analytics, la boucle est bouclée en intégrant les données en provenance d’Internet et du Web, les ERP intégrant de plus en plus des modules web. On peut mieux comprendre ensuite qui a acheté sur son site. Pour autant, je ne sais pas si la personne qui a acheté dans le magasin physique est passée sur le web. Donc on doit coupler ça avec de l’analyse attitudinale permettant de comprendre ce qui a provoqué l’achat. D’autres outils te donnent le sexe et la tranche d’âge du visiteur (grâce aux mouvements de la souris par exemple) avec une marge d’erreur très faible. On est en train de faire du marketing une vraie science, pas uniquement pour le web mais aussi pour le marketing au global.
Q2 : Pour toi, que faut-il considérer, le premier clic, dernier click avant l’achat ou les 2 ?
La question d’attribution est clairement une problématique du présent et de l’avenir. Le paiement au clic est aujourd’hui inévitable, que ce soit pour une recherche simple sur un produit ou un acte d’achat, on le voit bien avec une plateforme comme Adwords. Avec un outil de Web Analytics comme Adobe Omniture, Webtrends et consorts, on peut faire un mix des deux. Avec Google Analytics c’est le dernier point de contact par défaut. A présent, il existe des outils permettant de montrer les chaînes de valeurs sur mes différents points de contact en tant que visiteur. Ce qui ne m’éclaire pas pour autant sur lequel de ces points de contact était le plus significatif. Mais on constate souvent que Google Adwords était utilisé plus en phase de découverte ou en phase de finalisation du processus d’achat. Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de modèle parfait mais plutôt des modèles qui permettent de s’approcher au plus près de la vérité.
Mazeberry Express, développé dans un incubateur près de Lille, permet de mieux présenter l’impact d’un point de contact par rapport à la conversion, en se basant sur des données extraites de l’entonnoir de conversion multi-provenances de Google Analytics.
Il faut donc prévoir des outils complémentaires pour baser ses décisions sur des éléments remontés.
Q3 : Imagines, tu es entrepreneur et tu crées ta startup. Par quoi dois-tu commencer en termes de Business Analytics ?
En tant qu’entreprenaute, on a déjà beaucoup de chose à gérer, la logistique, la communication, les achats, le marketing… bref on accumule les casquettes et on a peu de temps à consacrer aux statistiques. Ce que l’on constate chez Hub’Sales pour les clients qui ne sont pas forcément des gros comptes, mais qui sont hyper motivés parce que leur bottom line c’est de vendre sur le web, leur intérêt est directement lié à la performance du site. Optimiser son CA c’est bien mais optimiser son cout d’acquisition c’est optimiser sa marge. Pour revenir au manque de temps causé par le mode « multi-casquettes », il est parfois préférable d’investir auprès d’un consultant pour arriver plus rapidement à de l’optimisation. Pour un gros eCommerçant français comme La Redoute, Les 3 Suisses, Boulanger, Surcouf et autres, dès lors que vous améliorez votre taux de conversion de 0,1%, la différence se chiffre en plusieurs milliers (millions?) d’euros pour un cout de consultant inférieur, donc le retour sur investissement est rapidement vérifié. C’est ce qu’on souhaite aussi chez les plus ‘petits‘.
Q4 : Comment procède-t-on à un plan de marquage sur une plateforme e-commerce ?
Dans le cas de Magento un plug-in intégré gère Google Analytics automatiquement, donc c’est simple et rapide, comme sur WordPress. Il manque la vue sur la performance de la catégorie de produit. Il faut donc potentiellement compiler les données produits manuellement. Sur Prestashop, il faut prévoir un peu de développement spécifique. Sur les plus grosses plateformes type Intershop c’est typiquement du custom car il faut réconcilier le moteur de CMS avec des outils comme Omniture, Webtrends ou ComScore. L’objectif étant d’obtenir un minimum d’information en amont du site pour déterminer quelles sources, quels moteurs, mots clés la segmentation et sur le site à savoir tous les comportements jusqu’à la validation du panier.
Idéalement, après une étude de marché, on crée des personas marketing, des archétypes de comportements visiteurs afin de déterminer si un comportement type est plus porteur (rentable) ou pas. Exemple, un visiteur qui a vu une vidéo jusqu’au bout est plus enclin à acheter. La WebTV est un moyen de fidéliser l’audience. Selon Cisco, en 2015, 90% du trafic Internet sera dédié à la vidéo.
En parlant de comportement, j’ai échangé avec des experts récemment et on observe une grande proportion d’internautes qui ‘confondent’ ou assimilent Facebook au Web. La raison sociale d’un jeune est d’être présent et actif sur Facebook avec un maximum d’amis pour éviter la ringardisation. Il a transféré la pression de l’école à être un bon élève ou le plus beau ou le plus fort, à il faut être sur Facebook. Le comportement Web (et maintenant mobile) sur Facebook est le référent sur ces populations.
Q5 : Quels sont les challenges du web Analytics sur le mobile ?
Les applis fournis par les opérateurs téléphoniques sur les plateformes constructeurs sont celles qui permettent de bénéficier de toute l’analytics embarquée. On a un bac à sable fournis par le constructeur, un terrain de jeu mais aussi un environnement confiné et clôturé. Les opérateurs savent déterminer en plus du comportement du mobinaute l’identité de celui-ci et donc son profil utilisateur complet. On peut mieux typer le comportement de l’appli en fonction de qui l’utilise.
Pour les autres types d’applications pour lesquels on utilise un SDK fourni par Omniture ou Webtrends ou Google, les possibilités sont limitées vis-à-vis du profil de la personne. On peut identifier le réseau de l’opérateur et l’ID du téléphone. Du coup on va beaucoup moins loin car on ne bénéficie pas (comme un opérateur) de la base CRM qui croise l’ID et l’email de l’utilisateur.
L’autre challenge est que l’App Store ne remonte pas officiellement combien de fois mon appli est remontée dans la liste, c’est-à-dire combien de fois elle a été recherchée vs combien de fois elle a été installée. On a le nombre d’applications activées mais quasi-impossible de dire si cela provient du référencement naturel ou depuis l’App Store.
Q6 : Existe-t-il un plan de marquage pour les applis mobiles ?
Dans la pratique, c’est quasiment à un plan de marquage web. Il y a des ‘porperties’ par écran, des clics tags sur les liens. On peut reprendre le plan de marquage d’un site et rajouter un préfixe indiquant qu’il s’agit de la version mobile.
Q7 : Existe-t-il des KPI différents entre les pages web classiques versus applis mobile ?
La navigation est différente entre le web classique et une appli mobile. Le taux de sortie typiquement est un KPI important sur le web mais pas signifiant sur l’appli mobile.
L’installation et l’utilisation d’une appli requierent une démarche volontaire. Il existe aussi un taux de déperdition de gens qui ont acheté l’appli mais qui ne l’ont pas téléchargé ou ne l’ont jamais utilisé. Il faut plutôt considérer les utilisateurs réguliers par exemple et le temps passé ou le nombre d’interactions avec la marque ou la communauté de l’utilisateur. La vente de l’appli ne suffit donc pas, il faut savoir ce qu’il s’y passe.
Sur le web, si l’internaute doit passer 10 pages pour se procurer un bien il faut que ce soit vraiment intéressant ou hyper compliqué (achat d’une maison sur mesure, assurance, véhicule). Sinon, il faut que le tunnel de conversion soit le plus court possible pour faciliter la transaction.
Q8 : Quelles sont les questions que les équipes marketing doivent se poser pour se lancer dans le web mobile et le Business Analytics ?
Tout d’abord il faut se ‘bouger le cul’ pour y être dès maintenant car c’est déjà la révolution ‘d’avant-hier’. On arrive à un stade ou 39% des mobinautes se servent de leur mobile/tablette aux toilettes. Ça fait partie intégrante de nos usages au quotidien. Le fait de ne pas être sur ce média c’est comme ne pas être sur le web en 1995. Il ne faut pas y être pour dire qu’on y est mais se demander combien d’opportunités à saisir en terme de communication et de vente va-t-on laisser passer ? Comment faut-il s’organiser au sein de l’entreprise pour rajouter le mobile au mix marketing ?
On assiste à un phénomène ou les ‘Digitals natives’ utilisent le mobile avec beaucoup d’intuition, pour autant ils n’ont jamais ouvert un journal papier de leur vie et donc n’ont pas cette culture du média. Donc, comment s’approprier ce média dans le cadre d’une stratégie globale ?
Q9 : Comment positionner le web mobile vis-à-vis des autres médias ?
Il faut s’interroger sur quels canaux choisir et quels coûts d’acquisition par canal (en particulier le coût canal mobile) dans l’ensemble de la chaine de valeur. On ne doit pas pour autant abandonner un canal parce que la marge est moins bonne. Par exemple dans le luxe, on conserve certains canaux uniquement pour des considérations de notoriété.
Les KPI ne changent pas tant que ça (en dehors du taux de rebond évoqué plus tôt).
L’appli mobile doit apporter du contenu spécifique adapté au format. Une pâle copie du site web ne sert à rien. Il faut fluidifier le processus de conversion et se rapprocher du one-click d’Amazon. On sait qui vous êtes dans le cadre d’une application mobile, donc on n’a pas besoin de renseigner tous les champs nécessaire à une commande.
Le mobile est notamment un média très opportun pour développer des fonctionnalités de géolocalisation et qu’on ne trouve pas sur les autres médias. Les aspects social et communautaire sont aussi à privilégier dans cette chaine de valeur.
Le marketing mobile devrait être rémunéré/récompensé à la hauteur de ce qu’il génère. Si je fais 25% de mes ventes sur le mobile, je devrais avoir un budget marketing mobile d’au moins 25% de mon budget marketing global. Il faut opposer les taux de conversions/d’acquisition entre les canaux de communications pour piloter la meilleure répartition… ce qui n’est pas vraiment le cas en général. Il faut tenir compte aussi du niveau de couverture de la cible entre les différents canaux. On ne maximise jamais un budget marketing : on l’optimise !
MERCI Julien d’avoir accepté cette interview et d’avoir partagé autant !
Je renvois nos chers lecteurs vers le site Hub-sales hub-sales.fr/ et les invite à te contacter pour en savoir davantage sur le Business Analytics ;o)
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Cet article a été écrit par Thierry Pires |